La requalification du contrat de franchise en contrat de travail constitue un risque juridique connu et donc relativement facile à écarter, mais qui reste pourtant persistant parce qu’insuffisamment appréhendé par certains franchiseurs.

Deux arrêts de la cour de cassation du 18 janvier 2012 qui requalifient le contrat de franchise en contrat de travail

Les arrêts rendus le même jour par la Cour de cassation chambre sociale dans des affaires similaires (18 janvier 2012, pourvoi n° 10-16.342, 85 et n° 10-23.921) permettent de mieux apprécier la position de la Haute juridiction sur cette question toujours vivace.

Dans une première affaire : le franchiseur, la société FIVENTIS, a conclu en 2006 un contrat dit « contrat de franchise » avec un franchisé. Ce contrat comportait des clauses très détaillées quant aux obligations incombant au franchisé dans la conduite de ses dossiers. En 2008, la société FIVENTIS résiliait le contrat en alléguant de la violation de la clause d’exclusivité par son franchisé.

La Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir  « retenu que la société Fiventis avait, selon les stipulations du contrat de franchise, imposé au franchisé des obligations détaillées et applicables de bout en bout dans les relations avec les clients, renforcées ensuite par des instructions tout aussi détaillées, de sorte que, transformé en simple agent d’exécution, l’intéressé ne disposait d’aucune autonomie et qu’en résiliant le contrat, la société avait fait usage de son pouvoir de sanction.

L’existence du lien de subordination caractérisant le contrat de travail est reconnue, la lettre de résiliation est requalifiée en lettre de licenciement et la société franchiseur est par conséquent condamnée à ce titre à verser plusieurs sommes au franchisé dont : rappels de salaires et congés payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, remboursement des droits d’entrée et frais de formation réglés au franchiseur.

Dans une deuxième affaire : la société Yves Rocher a conclu un contrat de franchise en 1996 qui a pris peu après. La franchisée a saisi la juridiction prud’homale afin de faire reconnaître l’existence d’un contrat de gérance de succursale selon les termes de l’article L. 7321-2 du Code du travail. Pour rappel, l’article L. 7321-2 du Code du travail prévoit que le gérant de succursale est notamment la personne chargée par le chef d’entreprise ou avec son accord de vendre des marchandises fournies exclusivement par une seule entreprise, cette profession étant exercée dans un local fourni ou agréé par cette entreprise au conditions et prix imposés par cette entreprise.

En l’occurrence, la cour d’appel relève que « dans la marche commerciale de son institut de beauté, basée sur la commercialisation des produits de beauté Yves Rocher, la franchisée enserrée dans cette exclusivité, à la fois soumise aux conditions contractuelles, aux divers guides qui lui sont régulièrement fournis et aux instructions qui lui sont adressées quotidiennement, ne dispose d’aucune marge de manœuvre pour exploiter l’institut de beauté dont elle a la charge et sur les prix pratiqués ». De plus en cas de violation de l’une de ses obligations, la franchisée encourrait la résiliation à titre de sanction.

Là où la cour d’appel voyait un lien de subordination caractérisant un contrat de travail, la Cour de cassation décide qu’il n’est pas besoin de prouver l’existence d’un lien de subordination, le seul constat de l’existence des conditions cumulatives prévues par le texte de l’article L. 7321-2 du Code du travail suffisant à rendre ce texte applicable. Les juges de la Cour de cassation confirment la condamnation de la société Yves Rocher au paiement d’une indemnité conventionnelle de licenciement et des dommages-intérêts en indemnisation du préjudice résultant du licenciement.

Ces deux arrêts, bien que fondés sur des règles différentes (preuve du lien de subordination dans le 1er cas, application du statut de gérant salarié de succursale  dans le 2eme cas) présentent un point commun : la requalification du contrat intitulé « contrat de franchise » en contrat de travail ou en contrat de gérance de succursale est approuvée par la Chambre sociale quand elle est constatée l’absence d’autonomie du « franchisé » dans la conduite des affaires. C’est que le cadre de management d’un réseau de franchisé ne saurait s’établir sur les mêmes lois, méthodes et règles.

La Chambre sociale s’appuie également sur le caractère de mesure de sanction attribué à la résiliation pour requalifier le contrat. On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle position : en toute hypothèse, la résiliation intervenant suite à la violation d’un contrat quel qu’il soit peut s’analyser en une sanction…

L’apport des arrêts est certainement à trouver dans l’appréciation de l’autonomie laissée au franchisé. Et cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond. C’est en substance ce que rappelle un arrêt rendu antérieurement (cour de cassation, chambre sociale 30 novembre 2011, n° 06-43.497 et 06-43.498) : le livret d’exploitation annexé au contrat de mandat-gérance n’ayant pas été versé au débat, la cour d’appel a pu décider, sur la seule base des pièces communiquées, que la preuve de l’existence d’un contrat de travail n’était pas rapportée.

Avec le concours de Marielle Lorcy, juriste.