L’affaire d’une concession exclusive sans exclusivité ou l’art de concéder du vide avec la bénédiction des juges !

Cour de cassation, chambre commerciale, 31 janvier 2012, pourvoi n° 10-26.905

Le droit d’exclusivité territoriale ne peut se confondre avec une exclusivité d’enseigne accordée au magasin

En 2004, la société MAJE a conclu un contrat de concession d’enseigne avec la société MISSARI pour l’exploitation d’un point de vente à Toulouse. Le contrat ne comportait aucune stipulation expresse de la concession d’un territoire exclusif. Autrement dit pas de clause d’exclusivité territoriale expresse. L’article 2 du contrat prévoyait seulement que la société MISSARI bénéficiait d’un droit exclusif de vendre les produits MAJE dans la boutique qu’elle exploitait.

Au début de 2009, le franchiseur ouvrait un corner aux Galeries Lafayette dans le centre ville de Toulouse. La société franchisée, estimant qu’il y avait là violation de son droit exclusif de vente des produits du franchiseur, le faisait assigner pour faire constater la résiliation du contrat de concession d’enseigne aux torts exclusifs du franchiseur et obtenir des dommages-intérêts pour le préjudice subi.

La cour d’appel a estimé que le contrat ne définissait pas le territoire sur lequel s’appliquait l’exclusivité si ce n’est le territoire de la seule boutique. Débouté, le franchisé formait un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que l’interprétation du contrat à laquelle la cour d’appel a procédé relève de son pouvoir souverain que la cour de cassation n’a pas à censurer.

On laissera de côté les brefs motifs de rejet, très classiques, de la cour suprême, signifiant par là qu’elle n’entend pas revenir sur l’arrêt de la cour d’appel.

Pourtant, et selon nous, il y avait sans doute à redire à cette décision.

Le territoire exclusif : élément déterminant du contrat de concession exclusive

Cette valeur sure est elle toujours d’actualité ?

On nous apprend, et on nous rabâche que la différence entre franchise et contrat de concession – dit en bon droit concession exclusive – est que dans la concession, l’élément déterminant de la validité du contrat est l’existence d’un territoire exclusif concédé au profit du signataire exploitant. Si, dans cette affaire le concédant a entendu développer son réseau sous le système de la concession, plutôt que celui de la franchise ou une autre formule de commerce associé, c’est bien qu’il entendait expressément faire la concession d’un territoire. On estimera pour notre part que réduire ici le territoire à la seule boutique exploitée par le signataire, c’est au final ne pas lui concéder de territoire. C’est donc un contrat de concession sans exclusivité… Ce n’est donc pas un contrat de concession, mais autre chose… Il appartenait au juges en réalité de constater qu’il manquait à ce contrat son élément déterminant, et d’en prononcer de ce fait la nullité, ou de le requalifier correctement. Il n’empêche que l’exploitant croyait avoir signé pour une exclusivité, il n’en n’était rien. Une négociation avec le concédant avant de lancer les hostilités aurait pu peut être le conduire à obtenir un périmètre de territoire qu’aurait eu avantage à lui accorder le concédant plutôt que de se risquer à un procès.

Avec le concours de Marielle LORCY, juriste.