Cession et rupture du contrat de franchise, Calcul de l’indemnisation du franchisé
(Cour de Cassation chambre commerciale 31 janvier 2012, n° pourvoi 10-27.603)
La société ETAM avait cédé les titres d’une des sociétés de son groupe, laquelle se trouvait être liée par contrats de franchise à des distributeurs. Des négociations furent menées pour faire admettre aux distributeurs la cession de leur contrat à un tiers repreneur, en vain concernant notamment un des distributeurs concerné par l’effet de cette cession qui opposa son refus à admettre quelque cesison le concernant.
refusentre le franchiseur ETAM et des franchisés concernant la cession à un repreneur des titres de l’une des sociétés du groupe franchiseur, un franchisé s’est plaint de la cession de son contrat de franchise à ce tiers repreneur sans avoir donné son accord. Considérant son contrat rompu du fait du franchiseur, il assigne la société ETAM pour obtenir l’indemnisation du préjudice subi du fait de la rupture.
Les juges rappellent le principe : toute cession de contrat de franchise suppose l’accord du cédé, en l’occurrence ici, le franchisé.
Or en l’espèce, la société franchisée n’a pas donné son accord à la cession. Le contrat ne pouvait être poursuivi selon les juges et la faute du franchiseur se trouve dès lors caractérisée.
Concernant le montant des dommages-intérêts à allouer au franchisé. Là encore, les juges s’accordent à dire que le préjudice s’analyse en une perte de chance.
Le mode d’évaluation choisi par la cour d’appel a été le suivant: après avoir indiqué que la société franchisée était seulement « en droit de solliciter l’indemnisation de la perte de la chance d’obtention des bénéfices escomptés pendant la durée initiale de l’engagement »,les juges ont déterminé le montant du préjudice par différence entre le chiffre d’affaires prévisionnel et celui effectivement réalisé pendant la période d’exécution du contrat, par référence à « la marge brute habituellement dégagée dans le secteur d’activité considéré » et ce pour les six années du contrat restant à courir.
Ici, c’est donc bien le montant des chiffres d’affaires prévisionnels qui ont servis à calculer l’indemnisation du franchisé.
La société franchiseur a contesté ce calcul de l’indemnisation du franchisé , estimant qu’elle ne pouvait être calculée sur la perte de chance de n’avoir pu réaliser des chiffres purement prévisionnels, par définition soumis à un aléa et n’ayant aucun caractère acquis ni certain.
Mais dans cette affaire -et contrairement à l’affaire jugée le même jour en sens contraire (voir affaire CASINO) – la Cour suprême se refuse de censurer le mode de calcul choisi par la cour d’appel et fondé sur les chiffres prévisionnels. Comme à l’habitude en tels cas, les juges de cassation s’en tiennent à leur classique rejet au motif que cela relève de l’appréciation souveraine des juges du fond qui et ne peut être remis en cause devant la Cour de cassation.
Le franchiseur voit son pourvoi rejeté.
Cet arrêt rendu le même jour que celui dans l’affaire CASINO semble à l’opposé. La différence d’appréciation entre ces deux décisions tient sans doute au fait que dans le cas du franchisé de la société ETAM, les chiffres qui ont servi de base au calcul des dommages-intérêts correspondaient à des chiffres réels : le franchisé avait exercé l’activité et réalisé un chiffre d’affaire quil pouvait raisonnablement s’attendre à réaliser pendant toute la période d’exécution du contrat de franchise s’il n’avait été rompu.
Au contraire, dans l’affaire concernant la société CASINO, les chiffres fournis par le franchiseur ne reposaient sur aucun fondement et étaient d’ailleurs jugés non « sérieux » par les tribunaux. Les chances de réaliser des tels chiffres étaient pour le moins réduites. Perte de chance de continuer à réaliser un chiffre d’affaire précédemment réalisé d’une part ; perte de chance de ne pas contracter ou de contracter à des conditions plus avantageuses de l’autre. C’est le degré de certitude qui varie.
Avec le concours de Marielle LORCY, juriste
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